« Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quel état j'erre ? »
Bon les gars, là on s'attaque au plus gros du problème. Comment dire ... Voyez-vous, j'aurais du mal à vous parler de quelque chose qui n'existe pas. Enfin si remarquez, il doit bien y avoir certaines traces de ce que j'ai été jusqu'à maintenant ici et là, mais comme je ne m'en souviens pas, ça ne risque pas des masses d'avancer, cette histoire. Bon après, il y a bien certaines choses dont je me souviens plus ou moins. Tenez, mon nom par exemple. Abraxas. Bon, d'accord,
d'accord. Ce n'est peut-être pas vraiment mon nom. Si vous tenez à tout savoir, c'est l'un des vagues trucs qui me reviennent lorsque j'essaie de réfléchir à ce qu’était ma vie d'avant. Disons simplement que dans tout ce fouillis, c'est ce qui me semblait être le plus proche d'un nom, vous voyez ? J'ai beau être amnésique, je me rappelle de ce qu'est de la moutarde, mais ce n'est pas pour autant qu'il me viendrait en tête
"Bah tiens, et si c'était pas ça en fait mon vrai prénom ?!"Et si plutôt que de vous parler de ce que j'était hypothétiquement avant, je vous parlais de ce que je suis maintenant ?
Bon ... Du reste, j'ai aussi quelques souvenirs de là d'où je viens. J'ai vaguement en mémoire d'avoir un jour observé de longs murs argentés tenant debout entre de hautes tours pointues et de la même couleur, de gens à la peau flasque couleur d’œuf, tous bien plus grand que moi, de petites bestioles noires courant après, de flammes, de cris, d'un ciel couleur de cendre ... Un ensemble ma foi très beau, quoi que cela ait bien pu signifier. J'ai aussi souvenir d'une grande main se tendant vers moi, m'attrapant par le col et m'arrachant à une paire d'autres mains. Et puis, il y avait cette espèce de trucs bizarre, là, rose, brillant et qui semblait très précieux. Quelques-unes des bestioles noires ont bien essayé de sauter après, mais une deuxième main (surement la jumelle de celle qui m'avait attrapée) les envoya baller d’un revers contre les murs, tout juste avant de me fourrer ce machin rose dans le gosier. Et puis il y eu la douleur. Une énorme douleur, je dois vous dire, telle que j'ai bien dû perdre connaissance après ça, puisqu'à mon réveil, je me retrouvais ailleurs, avec la sensation qu'il devait bien y avoir eu un laps de temps colossal qui s'était écoulé, et que tout un tas de choses d'une grande importance avaient dû se passer entre temps.
Oh, autre chose, avant que je n'oublie. Je ne suis pas tellement comme la plupart des gens. Enfin, remarquez, je ne suis pas tout à fait sur de bien savoir ce que c'est, des gens. Hmm. Ces choses à la peau couleur d’œuf et fripée, peut-être. Enfin voilà, je ne suis pas comme ces créatures-là. Non, du tout. De ce que je peux en dire, ma peau à moi, elle est rugueuse et entremêlée de partout, un peu comme du tissu, et il y a des coutures à certains endroits pour tenir le tout bien solidement attaché ensemble. D'aucuns diraient que je suis une poupée de chiffon ou quelque chose du genre, et ces gars-là auraient certainement raison, mais - et même si je ne sais pas vraiment ce que ça pourrait être d'être une poupée de chiffon - je n'ai pas pour autant l'impression d'en être une.
Depuis mon réveil, j'en ai déjà vu, vous savez. Ces espèces de jouets enchantés qui marchent tout seuls et qui disent ce qu'on leur dit de dire. La petite qui m'a trouvé alors que je gisais en lambeaux dans une ruelle en possède une flopée dans sa chambre, de ces trucs-là. Et moi, à moins d'en être une version particulière élaborée – ce qui soulèverait certaines questions d'un point de vue éthique - j'ai des envies. La faim, la soif, des pensées. Je ressens la douleur. J’ai des sentiments. Du savoir, même si certains sujets sont assez flous à l’heure qu’il est. Je connais même quelques formules magiques. Tenez, pas plus tard qu’hier, j’ai réussi à allumer une feu de cheminée d’un simple geste de la main.
Du reste, je ne sais pas qui je suis ou ce que je suis censé faire. Je ne sais pas où aller, dans quel but on m’a fabriqué – et même si j’ai bel et bien été fabriqué de la main d’une personne – mais vous voulez que je vous dise ?
J’ai bien l’intention de le découvrir.