« Malheureusement, mon espoir a subi le même sort que les flocons de neige que je déposais chaque matin à l'entrée de ma cellule : Tout a fondu... »
Approchez-vous, asseyez-vous et écoutez. Je vais vous raconter une histoire. Mon histoire, certes, comme vous pouvez vous en douter, mais pas seulement. Cette histoire, c'est tout d'abord celle d'une jeune adulte appelée Céleste. Céleste, pratiquant l'alpinisme mais un peu trop confiante en ses propres capacités, avait décidé de s'aventurer seule en montagne de bon matin. Vous connaissez la suite...
Non ? Laissez-moi résumer ça simplement. Ayant voulu cueillir une jolie edelweiss qui poussait entre quelques pierres, avait par mégarde déclenché une avalanche (Comment ? Ne me le demandez pas, elle n'a jamais voulu me le dire... Et je n'ai aucun souvenir de ce qui s'est passé avant ma naissance). Broyée et frigorifiée par la coulée de neige qui l'avait engloutie, elle périt. Fin de l'histoire... Ou peut-être pas. Je dirais même que c'est plutôt le début...
Long Mirage, cité des morts. Ville sombre aux airs futuristes baignée dans la lumière et dans les ténèbres. C'est donc là que moi, Neige, Antipode, suis née et ai pris forme. Au cas où cela n'aurait pas été clair, je suis la partie sombre du cœur de Céleste : Je suis elle, elle est moi. Quand une âme rejoint Long Mirage, son cœur est séparé entre la lumière qui conserve la mémoire, et les ténèbres, qui sont à jamais imprégnée de l'essence ayant apporté la mort à l'être d'origine. Céleste ayant périt par la neige et la glace, ce sont donc les éléments que j'ai pu apprendre à manier au cours de ma vie. Il y avait aussi cette fille, Ambre. Elle était morte par l'eau, peu avant Céleste, et s'était attachée à nous... Ou surtout à moi, je crois. Au début, je ne l'avais absolument pas compris, mais elle ressentait quelque chose pour moi. Je crois qu'elle était amoureuse, si c'est le terme exact...
Vous allez probablement dire que c'est assez naïf, mais c'est donc avec elle que j'ai appris ce que ça voulait dire, « être amoureuse ». C'était sympa, au début. Mais quand ça a dégénéré pour moi, ça n'a fait qu'amplifier ma douleur et ma tristesse... Mais reprenons là où nous en étions, voulez-vous ?
J'ai donc commencé à vivre avec elles, et tout allait pour le mieux. J'apprenais vite à maîtriser mes pouvoirs – qui au départ, débordaient d'énergie magique... Ce qui faisait que je gelais les choses sans vraiment m'en rendre compte, ou même que des flocons de neige s'échappaient de la pulpe de mes doigts sans que je le veuille – et à canaliser au mieux mon énergie pour m'en servir comme je le désirais. Si au départ, quand on me demandait un verre d'eau, il finissait remplit de glace, au final je parvenais à parfaitement maîtriser ce flux d'énergie magique qui circulait en moi. C'était un véritable apprentissage.
Au fur et à mesure cependant, je me suis rendue compte que l'ambiance s'alourdissait, dans notre petit foyer. Comme si une sorte de peur s'installait peu à peu entre nous trois. On n'avait pas vraiment voulu m'expliquer de quoi il s'agissait, au départ. J'ai dû l'apprendre un peu par moi-même.
Il faut savoir que la principale source d'énergie de Long Mirage se trouvait dans des mines de pierres énergétique, au nord de la ville, que l'on appelle Noctaline. Ces pierres, véritable concentré de ténèbres, servaient à l'alimentation en énergie de toute la métropole. Malheureusement, les mines commençaient à tarir et ils n'avaient aucune énergie de secours pour pallier à ce problème. De plus, un certain racisme s'était mis en place au sein de la ville, les antipodes comme moi étant vus comme de plus en plus dangereux et de plus en plus marginaux par l'élite intellectuelle d'abord, puis ensuite par la grande majorité des habitants de Long Mirage, les Esprits (partie lumineuse des cœurs). Enfin, l'élite scientifique de Long Mirage avait trouvé le moyen d'extraire sous forme pure l'énergie magique des antipodes comme moi... Ai-je besoin de vous expliquer le problème ?
Enfermée. Bloquée dans un complexe scientifique. Ils ont tenté de me mettre une sorte de... De puce électronique à la base de la nuque. Je les voyais, ceux qui avaient ça d'implanté dans la peau : Ils étaient devenus de véritables zombies, des marionnettes fantoches au service de leurs bourreaux. Certains avaient le droit à d'autres petites « améliorations », pour leur plus grand malheur. C'est ce qu'on a essayé de me faire, à moi aussi.
Ils avaient amené deux ailes métalliques articulées, en aluminium. Il suffisait d'atteindre mon système nerveux et de le brancher comme c'était possible pour que je puisse en avoir le contrôle. Autant dire que l'expérience n'avait pas été réjouissante, et que je ressens encore la douleur au niveau du dos. Ils m'avaient également greffée la puce, mais par un miracle que je ne saurais expliquer, il semblerait qu'elle n'ait jamais réellement fonctionné – du moins, pas suffisamment pour faire plier ma volonté à la leur.
Je m'attendais à ce que, un jour ou l'autre, on me sorte de cet enfer. J'ai attendu pendant de longues semaines que Céleste et Ambre viennent me libérer de cet enfer. Qu'elles me soutiennent et m'aide à me reconstruire après cette expérience traumatisante. Le temps est passé. Mon espoir s'est peu à peu fané au fond de sa geôle, pour que par dessus repousse la chrysanthème de la tristesse et du désespoir. L'amitié que je ressentais pour Céleste et l'amour que je portais à Ambre se sont peu à peu, teintés du sentiment de trahison le plus profond que je n'avais jamais ressenti, transformés en haine.
Le jour où, par je ne sais quel miracle, j'ai réussi à m'échapper, j'ai décidé de m'enfuir le plus loin possible de cette ville qui souhaitait me réduire à néant. J'ai vécu seule, non-loin d'autres antipodes qui s'étaient eux aussi échappés. J'étais heureuse.
Puis elles sont revenues. Elles sont tenté de me dire beaucoup de choses, de me noyer sous un flot d'informations assez impressionnant. Mais à mon sens, c'était trop tard pour elle pour revenir vers moi. Nous nous sommes jetées les unes sur l'autre, et le combat a commencé.
Je n'avais pas prévue être à ce point désavantagée par ces longues semaines passées à pourrir dans un cachot. C'est sans soucis que je fus défaite.
Je sentais déjà mon corps se désagréger dans les ténèbres...
Dans un dernier élan pour préserver ma vie, je me suis laissée tomber dans un portail noir.