Je t’en prie. Quand tu recevras cette lettre, ne m’en veux pas.

Je me sens si mal. Tellement mal que je ne peux même exprimer ce que je ressens vraiment. C’est comme un vide ultime qui me ronge depuis longtemps, tellement que le soir, parfois, souvent, j’ai du mal à fermer l’œil sans penser à ce qui me tracasse réellement. Parfois, même, j’en pleure à tenter de revenir à ces pensées, de voir ne serait-ce qu’une petite étincelle. Une petite étincelle d’espoir parmi ce noir profond. J’ai cru qu’à chercher au plus profond de mon esprit, même dans les coins les plus noirs que je pouvais toucher, à fouiller du plus fort que je pouvais, je trouverais la réponse. Toutes ces tentatives étaient pourtant vaines, inutiles. Pourtant… Je sais que je ne suis pas folle. Malgré tout ce qu’ils vont me dire – Selphie, Tidus et Wakka – je sais que je ne suis pas folle. Que je n’ai pas imaginé. Comment pourrais-je imaginer une telle chose ? Ça ne s’imagine pas. Tout simplement pas. Je sais que tu existes. J’en suis persuadée. Je me souviens de toi, mais c’est étrange… Je ne peux même me souvenir de tes traits, de ton visage. Et pourtant, il me semblait si beau. Si doux. Je ne pourrais imaginer quelque-chose de si important, même si encore tout cela m’échappe et j’en ai mal.

Pour tout dire, j’ai peur de ce qui pourrait arriver. J’ai peur de devoir jamais me souvenir de toi et que le simple fait de savoir qu’il y avait quelque-chose, même si ce quelque-chose en lui-même m’échappait, soit évanoui. Que j’oublie complètement de ce fait que je tente de me souvenir. Que je vive comme si tout n’avait jamais existé. Comme si toi, tu n’avais été rien de plus qu’une poussière envolée au vent – poussière que personne ne retrouverait jamais et qui disparaîtrait. Je ne veux pas te laisser disparaître. C’est pourquoi je tente de me souvenir de toi. Ils voient que je leur échappe. Ils voient bien que je me fais plus silencieuse, par moments, plus… réservée. Jamais je ne pourrais me séparer d’eux, cependant. Ils sont, après tout, mes amis. Ils comptent beaucoup pour moi. Je ne peux m’empêcher de leur sourire quand je les vois ou de rire avec eux. Pourtant, je crois qu’ils réalisent que je suis plus triste que d’habitude. Qu’il y a quelque-chose qui me retient et qui me tracasse. Ils me demandent toujours si quelque-chose ne va pas. Je cache sous le silence cette chose. Je n’oserais pas en parler.

J’ai les pensées si floues. Tellement floues que je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai tellement de mal, si tu savais comment j’ai du mal. Quelque-chose m’échappe et je sens que c’est quelque-chose d’important. Je me souviens de l’île. Celle sur laquelle nous étions toujours. Depuis que je suis toute jeune, depuis mon arrivée ici. J’ai beau ne pas me souvenir de ce qui s’est passé, avant que je sois avec vous, à Destiny Islands. Peut-être est-ce normal. J’étais jeune. Sûrement trop jeune pour me souvenir de quoi que ce soit. J’y étais toujours. Avec Riku. Mais… J’y étais avec toi aussi. Je ne peux comprendre pourquoi il me semble si clair. Seulement une image de toi me glisse entre les doigts. Pourquoi doit-ce vraiment en être ainsi ? Depuis le plus loin de mes pensées et de mes souvenirs, je peux te voir. Je te vois, mais tu sembles si flou. Comme une ombre. Une ombre sans aucune définition et aucune consistance. De repenser à cette même île me fait parfois tellement mal… On dirait qu’une grande partie y est restée. Peut-être est-ce toi, cette partie manquante ? Je crois que ça l’est. Ta voix, elle y était, avant. Sur l’île. Je sais qu’elle y était. Elle était si claire, si précise. Mais maintenant, elle a disparue. Comme tout ce qui restait de toi. C’est un peu pour cette raison que je me suis jurée de ne pas y retourner. Je ne peux pas me le permettre. Pas avant que je me souvienne de toi, de ton visage, de tout à ton sujet.

Il est étrange que je me souvienne de Riku, mais pas de toi. Enfin, tu dois le connaître autant que moi. Nous étions toujours ensemble. Inséparables. Même dans les pires moments, nous avions toujours pu nous serrer les coudes. J’étais toujours avec vous deux. Et pourtant… lui aussi, il a disparu. Il est parti. Comme toi. Pourquoi je dois garder certaines choses pour en oublier d’autres ? J’ai de la peine de l’avoir perdu, lui aussi. Ça me fait mal de devoir penser que vous avez tous les deux quitté ce monde. Pourtant, je sais que je vais le revoir un jour. Je garde espoir sur ce sujet. Ce qui me fait vraiment peur, par contre, c’est de te perdre, toi. De ne jamais revoir ton visage. Je souffre tellement à cette simple pensée. Je ne sais trop pourquoi ça me fait tant mal de penser que tu pourrais un jour disparaître. Tu es important, mais je ne sais pas pourquoi. Je sais que je ne t’ai pas créé par mon imagination. Il est bizarre que les autres disent qu’ils manquent Riku tandis que toi, tu es absent de leurs moindres pensées, mais pas des miennes.

Cette lettre devait être écrite. Je ne sais trop ce que je vais faire avec celle-ci, mais je ne pouvais m’empêcher d’écrire. Je me sentais mal. Écrire peut guérir. Avec ces mots, peut-être m’entendras-tu. Peut-être pourras-tu revenir à moi. Je sens que j’ai tout essayé. Cette lettre en elle-même est peut-être le dernier espoir qu’il me reste. Le dernier espoir pour me souvenir de toi. De ne pas t’oublier, peut-être. De ne pas oublier plus que je ne l’ai déjà fait. Tant de choses dont je dois me souvenir et qui m’échappent comme de l’eau coulant entre mes doigts. Ces choses, je ne sais comment les rattraper. Je me sens si mal. J’espère que tu m’excuseras. Si jamais cette lettre, tu venais à la lire, je ne sais comment je me sentirais. Je voudrais seulement que tu ne m’en veuilles pas pour toute cette confession que je viens de faire, ces moindres paroles. Je me sens plus légère de m’être vidée ainsi le cœur. J’espère que cela pourra m’aider.

Tu restes le garçon dont je ne peux me souvenir. C’est bien le seul nom que je peux te trouver. Si seulement j’avais pu me souvenir de ce petit détail ! Seulement celui-ci aurait pu remettre en moi cette petite graine d’espoir. Celle qu’on arrose et qui peut grandir au fil du temps. Ce sentiment qui perdure, ce mélange de confusion et de perte, il restera sûrement jusqu’à ce qu’une autre goutte revienne.

J’ai confiance en toi. Je sais que tu retrouveras ton chemin. Vers nous. Peut-être vers moi. Nous avions une promesse. Quelque-chose d’important. Je veux que tu prennes conscience d’une chose… Qu’importe où nous sommes, qu’importe les mondes qui nous séparent, aussi grands soient-ils et aussi loin qu’ils peuvent se trouver, nous partageons le même ciel. Ce ciel d’un bleu azuré… J’espère bien qu’il te guidera. Si tu suis ton cœur, peut-être retrouveras-tu ton chemin.

Qu’importe où tu es, ça n’a aucune importance. Je te retrouverai. Un jour.

Je te le promets.