Mon très cher ami,

Tu le sais tout comme moi, les temps sont difficiles. Je n’aurais jamais cru perdre ma femme pour, ne serait-ce que quelques années plus tard, perdre le monde qui m’a vu naître, qui a vu mon enfant naître. J’ai été incapable de me battre pour lui, pour elle, pour sa mémoire. Ceci s’ajoute à ma longue liste de regrets. Il ne me reste que cette petite chose qui m’est tant chère. Ma fille est tout pour moi, mais mon esprit ne cesse de tergiverser. Je ne peux tout simplement pas continuer à vivre de cette manière, en sachant que les mondes ont besoin d’aide, en sachant que d’autres pourraient être en proie à cette souffrance assaillante.

Ça me fait extrêmement mal de devoir laisser Yuna derrière, mais tu dois me comprendre. Je le fais pour son bien, comme pour le bien de tant d’autres. Je ne peux garantir que je reviendrai vivant de cette quête dans laquelle je me lance, mais je te demanderai qu’une seule chose : s’il advenait que je meurs lors de mon pèlerinage, je t’en prie, fais tout en ton pouvoir pour l’apporter ailleurs que dans cet endroit maudit qu’est Traverse Town. Je ne pourrai supporter qu’elle ne grandisse dans cette atmosphère putride et désolante.

Avec l’espoir d’un jour pouvoir recroiser ta route,

Braska.

Recevant cette lettre à peine quelques jours après le départ de Braska, Auron décide que la volonté du père se devait bien d’être exaucé, mais qu’il ferait tout en son pouvoir pour ne pas qu’un tel sort funeste n’attende celui-ci. C’est ainsi qu’il se mit à la recherche de son ami, pour qui il devient, au long de son pèlerinage entre les mondes, comme un gardien, un protecteur.

Il restera avec lui jusqu’à ce que son sort funeste frappe, éradiquant du monde le père et le gardien, qui, dans son dernier souffle, réussit à honorer sa demande, ou, du moins, la transmettre à une nouvelle âme.

Il eut la chance de rencontrer un être d’un monde disparu. Le jeune homme était un Ronso adolescent – un grand humanoïde félin à la corne brisée, à l’air dur et au cœur d’or. Son monde détruit, Kimahri devait se rendre à Traverse Town, et, redevable pour l’acte d’Auron de lui donner un moyen de s’y rendre, il accepta de reconduire la jeune Yuna dans un endroit plus paisible.

C’est à Traverse Town qu’il croisa les chemins de Merlin, qui fut le premier au courant de la mort de Braska. Le jeune Ronso lui raconta les dires d’Auron avant de lui demander de l’aide afin de mener à bien sa mission. Bien sûr, Merlin aurait pu s’en charger lui-même sans aucun problème, mais celui-ci, malgré ses efforts, n’aurait aucunement pu enlever cette tâche au Ronso qui tenait à l’effectuer de lui-même compte-tenu de ses valeurs. De ce fait, Merlin s’était vu obligé de capituler à sa volonté d’acier.

Alors âgée de huit ans, Yuna, revenant pour une énième leçon de magie au domicile de Merlin, rencontra pour la première fois à ce moment celui qui allait être un de ses plus grands amis, mais aussi son gardien. C’est en cette journée nullement particulière qu’elle apprit ce qui était arrivé à son père et ce que celui-ci avait préparé pour elle. Bien évidemment, la fillette refusait de quitter les lieux, mais comprit rapidement que cela était la volonté de son défunt père et finit par obtempérer. Le départ se ferait la semaine d’ensuite, lui laissant le temps de réfléchir pleinement à ce qui l’attendait. C’était pour son bien, que pour son bien, après tout. Elle eut la chance de se lier d’amitié à ce moment avec l’Homme-Chat, et, Merlin, dans toute sa générosité, lui offrit quelques-uns de ses livres de magie pour ne pas qu’elle ne l’oublie, stipulant qu’il viendrait lui rendre visite de temps à autres.

C’est pendant cette semaine, en faisant des recherches sur les différents mondes, que celui-ci détermina le meilleur endroit où Yuna pourrait grandir paisiblement : Destiny Islands. Tout était enfin prêt pour le départ.

Il y avait cependant un détail, un très gros détail à la fourrure bleue qui se mettait dans leur chemin. Merlin confronta ainsi Kimahri avant le départ, lui avouant avec toute honnêteté que, dans les mondes, son apparence féline ne serait pas acceptée aussi facilement, surtout pour une mission de cette sorte. Il en vint donc à transformer le félin en homme avec un puissant sort de métamorphose. Pour tous, il serait plutôt musclé, plutôt grand, mais d’apparence totalement humaine.

Fin prêts pour le départ, à l’aide d’un sort de Merlin, ils furent transportés sur les îles en un clin d’œil. La mission n’était cependant pas finie : Kimahri, tenant doucement la petite main frêle de Yuna, devait l’apporter quelque-part où elle pourrait vivre, dans ce monde. Ils y trouvèrent rapidement un orphelinat plus que décent où tous les enfants semblaient bien heureux et bien entourés. Cependant, lorsque Kimahri vint pour partir, il se vit supplié par la jeune fille de rester à ses côtés et ne put refuser sa requête : pourquoi pas, après tout? Son monde à lui venait de sombrer, alors peut-être pourrait-il se faire une place ici, avec elle et, en un sens, honorer celui qui lui avait donné un moyen de quitter les ténèbres en la protégeant.

Bien que la forme humaine le dérangeait et le handicapait, il se fit un devoir de la protéger lors de sa croissance.

Kimahri ne fut cependant pas la seule rencontre que fit la jeune fille durant ses années à Destiny Islands. La première locale qu’elle eut la chance de rencontrer fut une jeune adolescente qui, à l’époque, comme aujourd’hui, se passionnait de la lecture. C’est lorsque la jeune fille découvrit les livres de celle-ci qu’elle se lia d’amitié avec elle – il faut croire que, même si elle ne connaissait Merlin que de nom et de livre, c’était bien assez pour que Yuna l’apprécie. Lulu devint donc, après cette rencontre, une très grande amie et un peu comme une grande sœur pour elle.

Il y eut bien sûr, aussi, les jeunes enfants de son âge avec qui elle put facilement se lier d’amitié une fois sa grande timidité à leur égard passée. Il y eut notamment Tidus et Wakka avec qui elle s’entendit merveilleusement bien. Sur tous ceux qui se tenaient sur l’île, c’étaient ceux avec qui elle se tenait le plus souvent, finissant même, en grandissant, pour développer des sentiments plus profonds à l’égard de Tidus – quelque-chose qu’elle n’avouerait bien jamais.

Journal de bord – date fictive (15 ans)

J’ai trouvé quelque-chose. Je ne sais pas c’est quoi, mais je sens comme un aura à l’intérieur. C’est une sorte de pierre étrange, un gemme de quelque sorte. Ça brille d’une drôle de manière et ça semble vraiment en vie, comme s’il y avait quelque-chose qui vivait dedans. Je ne sais pas si je serais capable de le déchiffrer.

Autant ne pas aller voir Lulu pour l’instant avec ça. Je vais regarder dans les livres de Merlin. Je crois me souvenir d’une partie qui parlait d’invocation. Peut-être que, si la pierre est vivante, je vais pouvoir invoquer qu’importe ce qui est en son intérieur…

Journal de bord – (deux semaines plus tard)

Marahute. Celle qui était prisonnière de la pierre était Marahute. Je ne sais pas d’où elle vient – son monde a probablement été enseveli comme le mien, mais à ce qu’elle semble me dire, ce semble plus récent, beaucoup plus récent. Je ne sais pas comment c’est possible… Ne serions-nous pas au courant d’une nouvelle vague de ténèbres? Peut-être pas. Son cœur était assez fort pour la garder dans cette pierre et j’ai pu l’en sortir. Maintenant, que fais-je?

Je veux tant l’aider, mais je ne peux pas quitter. Je n’ai aucun moyen de quitter ce monde, retourner d’où je viens ou même retourner à Traverse Town.

D’autres cœurs doivent exister comme le sien. D’autres cœurs doivent être assez puissants pour survivre aux ténèbres, mais quel bien leur fait-il d’être enfermé pour l’éternité dans une pierre?

Je dois les retrouver. S’il en existe d’autres, je dois les retrouver, je veux les aider. Je ne peux pas rester ici à ne rien faire. Ils doivent être éparpillés. S’il y en a ici, il y en a aussi ailleurs.

… Si seulement je pouvais convaincre Lulu de me venir en aide. Ce serait plus simple, je le sais. Le faire moi-même serait trop difficile. J’aurai peut-être une chance. Je lui montrerai Marahute. Je lui montrerai la souffrance qui l’accompagne, la douleur qu’elle ressent à avoir perdu les siens. Peut-être comprendra-t-elle.

Peut-être me suivra-t-elle.

Il est temps que je parte. Il est temps que je fasse comme mon père l’a fait avant moi. Il voulait sauver les innocents. Sa cause était redevable. Je le suivrai.

Qui sait? Je me ferai peut-être d’autres amis sur le chemin. Quoi de plus agréable?